La cessation d'activité des fonderies de Montchanin-Le Creusot laisse des ateliers déserts avec une odeur de mort : mort de l'usine,
mort du travail de l'homme, de l'objet industriel, de tout un ensemble de relations, d'interactions entre les hommes.
Destruction des modèles nés des mains des ouvriers modeleurs que l'on appelait à juste titre « les ébénistes de l'industrie ».
Modèle : Appareil permettant de reproduire une pièce déterminée par les procédés utilisés en fonderie pour la réalisation de
l'empreinte du moule dans lequel sera coulée la pièce métallique ( Cf. Larousse).
Ce massacre est achevé par le bulldozer qui vide à grands coups de pelle ces ateliers des vestiges de leurs passés.
Mais l'artiste ne fait pas de discours, il organise la fête, face à cette mort il inscrira son activité dans la
satisfaction véhémente de la pulsion de vie. Son résultat sera peut-être comme les masques Dogon ou les effigies Egyptiennes,
des abandons en même temps que des défenses, mais il sera.
L'imaginaire est un voleur. Il voit la richesse des formes, des volumes qu'offrent ces modèles. Dans ce bric à brac de géants, il prélève sa dîme.
Puis dans l'atelier, sans scrupule, il transforme les uns, en crée d'autres. Il les détourne de leur fonction première. Les appareils
servant à répéter l'objet industriel se font alors l'écho des rêves les plus fous.
L'objet industriel a maintenant assez d'histoire pour parler à notre époque. Il est chargé de mémoire, il est donc sacré.
Son lot est d'être soit ignoré, soit adulé. Entre l'ethnologue et le casseur, l'artiste se glisse et dérobe l'objet pour mieux le dévoiler,
le rendre au autres, aux siens, comme totem de leurs vies. Savoir d'où l'on vient est un repère pour se guider ou l'on va.
Texte d'Alexandre de Bary et Patrick Allier
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